VINCENT POIRIER : ” J’AI LES CAPACITÉS POUR ALLER EN NBA “

Il est, à 23 ans, l’un des joueurs français les plus rentables du championnat. Premier rebondeur, septième à l’évaluation… Et pourtant, Vincent Poirier (2,12 m) n’a que six ans de basket derrière lui. Le pivot du Paris Levallois se raconte.

Son enfance

Je suis né à Clamart dans le 92. J’ai vécu 4 ans à Châtillon jusqu’à la naissance de mon frère où on a déménagé à Guermantes à côté de Bussy-Saint-Georges dans le 77. J’y ai passé toute mon enfance, toute mon adolescence jusqu’à mes 18 ans. Ma mère habite toujours là-bas. Je n’ai qu’un petit frère. Il va avoir 19 ans. Je n’ai jamais manqué de rien dans mon enfance. On a habité dans un petit village en maison. Enfant, j’étais grand déjà (rires) et calme. Je ne travaillais pas plus que cela à l’école mais j’avais la moyenne. Je n’étais pas un enfant à problème. Je m’en suis toujours sorti. J’étais déjà sportif. J’ai commencé le foot à 8-9 ans en poussin. A l’époque, c’était le sport. J’étais assez grand, pas super rapide. Ma taille était plus un handicap qu’autre chose. Plus je grandissais, plus ça devenait compliqué de contrôler le ballon avec mes longues jambes (rires). C’était plus un loisir, pour jouer avec les potes. Le plus haut niveau auquel j’ai joué, c’était en promotion d’honneur. Je ne sais même pas à quoi ça correspond en basket. Le foot m’a apporté au niveau de la course et de la coordination. Je ne suis pas trop handicapé avec mes membres. Au PL, Ada Sané a fait du foot aussi étant gamin. Il arrive à jongler et il a des petits gestes techniques. Cela m’a apporté au niveau mental aussi. Quand tu as un seul match par semaine, il faut être bon le jour J.

Sa découverte du basket

Quand je suis passé au lycée, en seconde, tous mes potes jouaient au basket. On est venu m’aborder au forum des associations. J’ai répondu que je finissais l’année au foot et qu’on verrait l’année suivante. Ca commençait à être n’importe quoi dans mon club de foot, alors je me suis dit pourquoi ne pas essayer le basket. J’ai commencé à jouer un peu pendant l’été pour voir, parce que je n’avais jamais joué au basket de ma vie. Ca m’a plu, alors je me suis inscrit au club de Bussy-Saint-Georges. J’étais en cadets dernière année, en Région. C’était vraiment la découverte. Je devais apprendre les règles, les marchers, parce que je n’avais pas l’habitude de ne faire que deux pas. Je devais tout apprendre mais je me suis plutôt bien acclimaté. Pendant cette première année, j’ai fait le CREPS d’Ile de France, j’étais allé à l’Insep faire des entraînements. Et à la fin de l’année, j’ai reçu une convocation en U18. C’était une grande surprise. Je savais que c’était parce que j’étais grand – je devais être à 2,08 m à l’époque – et que j’étais le seul qui venait d’un club que personne ne connaît alors que les autres venaient de centres de formations. Bon, je n’ai pas fait long feu. Tu passes de deux entraînements par semaine à deux entraînements par jour. Mon corps n’a pas trop aimé parce qu’il n’était pas habitué.

J’étais juste le grand qui court

Le Paris Levallois

Déjà pendant ma première année de basket, j’allais m’entraîner à Paris tous les lundis. Après j’ai signé au PL. Au début, ça n’a pas été évident du tout. Tu te rends compte que physiquement tu n’es pas prêt. Je m’entraînais contre Giovan Oniangue, Ada Sane, Junior Mbida, des gars qui avaient déjà joué. Il y avait tout à faire physiquement, techniquement. J’étais juste le grand qui court. Je n’étais pas forcément dans l’optique de percer, de devenir pro, et puis le goût du travail est venu au fur et à mesure des années. Ca m’est un peu tombé dessus du jour au lendemain. Il a fallu comprendre qu’il fallait travailler. Thomas Drouot a été la personne la plus importante. J’ai passé mes deux premières années espoirs avec lui, c’est avec lui que j’ai le plus progressé. A la fin de ma deuxième année espoirs, on m’a dit que l’année prochaine, je m’entraînerai avec les pros. C’est en grande partie grâce à lui que j’en suis arrivé là.

Vincent en espoirs (photo : Paris Levallois)

Le décès de son père

J’ai appris son décès pendant la semaine, au cours d’un entraînement. Thomas Drouot m’avait dit de prendre le temps qu’il fallait mais le lendemain j’étais de retour à l’entraînement et j’ai quand même joué le match le week-end. Il fallait que je fasse quelque chose, je ne pouvais pas rester chez moi sans rien faire. Cela fait trois ans maintenant. Ca a été une période difficile. Le club a été présent, pour moi, pour ma mère. Ca a été compliqué autant mentalement que financièrement. Tout le monde a été là pour nous, comme une grande famille. Aujourd’hui, chaque match, chaque jour, je pense à lui. Tout ce qu’il m’arrive en ce moment, c’est un peu pour lui.

L’Euro U20 en 2013

Une très bonne expérience. C’était mon premier Euro, la première fois que je portais le maillot de l’équipe de France. C’était une récompense pour tout le chemin parcouru. Cela a été une bonne campagne même si je n’ai pas joué des masses (7 minutes). Il y avait des bons joueurs, comme Mam’ Jaiteh. C’est l’époque où Mam’ déchire tout, où il vient de passer une saison en Pro B (à Boulogne-sur-Mer) , de faire des work-outs et il vient de signer à Nanterre. Quand il arrive, tu te dis, je vais jouer contre ce gars-là alors qu’il y a deux ans je jouais au foot dans mon jardin. Et puis c’est le niveau européen, même si c’est jeune, il y a plein de prospect. Tu vois que tu as encore plein de choses à apprendre au niveau technique, de la lecture du jeu. Tu es arrivé quelque part mais il y a encore beaucoup de chemin.

Sa première entrée en jeu en Pro

(En Eurocup contre Valencia le 16 octobre 2013, la veille de ses 20 ans). La saison précédente avec Christophe Denis je n’étais pas encore JFL, parce que je n’avais pas mes 4 années de licence en jeunes. Ce match, c’était l’occasion de commencer tâter du haut-niveau. Tu croises Valence qui n’est pas n’importe quelle équipe. Tu vois que tu es encore très loin du compte parce que tu joues contre des joueurs d’expérience. Je n’étais pas prêt physiquement et mentalement. Si je me souviens bien, on s’est pris une branlée au retour (défaite 98-52). Tout le monde en parle encore aujourd’hui. Mais c’est comme cela que tu apprends. Cela a été une très bonne expérience. Je crois que cette année-là j’ai eu plus de temps de jeu en Eurocup qu’en Pro A.

L’équipe de France A’

C’est encore le niveau au-dessus. Tu ne joues plus avec des enfants, tu joues avec des adultes. J’étais le seul joueur à sortir du championnat espoir. A côté, il y avait Adrien Moerman, Nobel Boungou-colo, Ousmane Camara qui avait fini MVP des finales cette année-là… J’avais tout à prouver mais je jouais libéré parce que personne n’attendait rien de moi. Je me suis pas mal débrouillé, j’ai donné le maximum. Cela a été une bonne campagne. J’ai pu me montrer.

Hyères-Toulon

Je connaissais Axel Julien qui était dans le team France avec moi. C’était une équipe de jeunes donc on s’est assez vite entendu. On avait vraiment un bon groupe. D’ailleurs on est encore en contact aujourd’hui, notamment sur WhatsApp. Après, c’était la première fois que je partais loin de chez moi. Tu te retrouves tout seul, livré à toi-même, sans ta famille pour faire ton ménage (rires). Bon, dès que j’avais un week-end, j’essayais de revenir à Paris, parce que c’était à 4 heures de train. Ca m’a permis de grandir (…) C’est la première saison où je sens que je fais partie d’une équipe à part entière, où j’ai un rôle, un impact sur le jeu. Je ne fais pas une trop mauvaise saison, même s’il y a des hauts et des bas. Surtout, on gagne. Malheureusement, il y a Monaco. Ca aurait été cool de commencer ma carrière par un trophée.

En début d’année, je voulais être meilleur rebondeur du championnat
Eté 2015, retour au Paris Levallois

A la base je pensais être prêté. J’arrive à Paris en me disant « qu’est-ce que je fais ici ? Il va y avoir quatre intérieurs, je vais être le cinquième… » J’ai envie de jouer, je n’ai pas envie de passer une année sur le banc. Et c’est ce qu’il se passe (22 minutes sur les 13 premiers matches). Après on me propose le prêt à l’INSEP (une double-licence pour jouer à la fois en Pro A et en Nationale 1). Je ne cache pas qu’au début je ne suis pas chaud pour y aller. Je leur dit « Si vous ne voulez pas me faire jouer, prêtez-moi en Pro B. » J’en parle avec mon agent, avec le club et finalement je décide d’accepter. Je tombe dans un bon groupe à l’INSEP, il y a du talent mais ils ne gagnent pas un match. Je décide de jouer à fond. C’est du niveau N1, il faut que je prouve. Si je vais en N1 pour faire 4 points et 3 rebonds, c’est que je n’ai pas le niveau Pro A. Je joue sept matches et là, changement de situation à Paris. Un intérieur est coupé (Kevin Langford), le pivot se blesse (Eric Dawson). Il n’y a plus que moi ! Donc je rentre en jeu, et ça se passe bien. A ce moment-là, je suis en confiance parce que ça se passe bien à l’entraînement. Je sors de bonnes performances avec l’INSEP. Je n’ai rien à perdre. Je fais un bon match contre Le Havre, en plus je joue contre JBAM qui n’est pas un petit enfant et contre mon ancien coach (Thomas Drouot), et on gagne. Après, j’ai commencé à prendre ma place. (Ses 23 points, 12 rebonds, 34 d’éval à Gravelines) J’étais titulaire depuis plusieurs matches et d’un coup, Eric Dawson revient et le coach me fait commencer le match sur le banc. J’ai voulu lui montrer qu’il ne fallait pas me mettre sur le banc.

Sa découverte des Etats-Unis cet été

Je suis parti m’entraîner pendant un mois à Dallas avec Giovan Oniangue et Louis Labeyrie. Ensuite j’ai fait le camp de San Antonio. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Tu vois les gars à la télé, ils sautent de partout. Je me disais que j’allais peut-être morfler. Mais ça s’est bien passé. Il y avait une bonne ambiance avec les coaches et les joueurs. J’ai enchaîné avec le camp des Mavs puis avec la Summer League. C’est un autre niveau, parce que tu as des prospects, des joueurs qui jouent déjà en NBA. Le but, c’était de me montrer. Là-bas, ils aiment les grands qui courent. J’ai fait un double-double. Il n’y avait pas de pression de résultat. J’y allais en mode découverte. Je ne me disais pas, il me faut absolument un contrat NBA. Je suis ressorti en me disant qu’il me manquait encore des choses, mais je n’ai pas trouvé qu’il y avait un monde d’écart. Avec du travail, c’est faisable. Je suis reparti pour la saison en me disant « cette année, il faut que je déchire tout et on verra ce qu’il se passe. » La NBA, je n’irai peut-être pas demain mais je ne vois pas pourquoi je n’aurai pas l’occasion d’y aller si je continue à travailler. Je pense que j’ai les capacités pour y aller. Pour l’instant, je me concentre sur Paris et on verra ce qu’il se passera à la fin.

Son objectif

En début d’année, je voulais être meilleur rebondeur du championnat. Après, si je peux faire un double-double en moyenne c’est encore mieux. Je voulais faire une très bonne saison, continuer sur ce que j’avais fait l’année dernière, montrer que je peux être dominant, que je peux avoir un impact sur le jeu. C’est ma dernière année de contrat. Pour la suite, je ne sais pas. L’équipe de France ? Je ne me pose pas beaucoup la question. Si ça arrive, je serai là. Ca me fera très plaisir. Je me concentre sur ma saison à Paris. Ca ne sert à rien de se poser la question. Jusqu’à présent, tout m’est tombé dessus sans que je ne demande rien. J’ai fait les équipes de France sans m’y attendre. Je vais continuer comme cela.

par LNB

Source: Hervé Bellenger

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